Héritage de problèmes

L'après-midi était particulièrement ensoleillé en cette journée. Le soleil tapait très fort sur Trinity, si bien que les promeneurs des rues de Washington Street étaient bien souvent des bandes de jeunes, errant dans le quartier sans but particulier, souvent torse nus et traînant des bouteilles à la main.

Le même état d'esprit était présent dans la grande cour de la propriété Walston. Une bande de tuneurs étaient rassemblés autour d'une table, profitant du soleil en jouant à des jeux de hasard et dégustant quelques rafraîchissements.

- Je t'ai encore niqué Bradley ! Et je relance de cinq ! Putain, t'es vraiment nul toi alors...

- Oh, c'est bon, répondit le Bradley en question pendant qu'on le dépouillait de son argent. Je vous ai dit que je savais jouer qu'à la bataille...

- C'est pour ça qu'on joue de l'argent, Bradley.

La petite troupe fut alors distraite de son activité lorsqu'elle entendit se rapprocher un bruit de moteur qu'elle commençait à bien connaître, celui de la nouvelle bagnole du chef des Flamz-up et maître des lieux. La GTO de Jack Walston, fraîchement sortie de l'atelier Hot Rod de Coddy McQuarters, avait rapidement conquit un bon public.

La GTO pénétra dans la cour de la propriété. Jack descendit, confiant les clés à un vieux chauve en smoking répondant au nom d'Edward.

- Gare-la moi dans le garage. Ah, et fais attention, j'ai laissé un peu de désordre à l'entrée. Fais gaffe de pas me la rayer.

- Oui monsieur Walston.

Le bon vieux Edward s'exécuta rapidement, tandis que Jack marchait en direction de la table des tuneurs qui squattait sa cour.
C'était une habitude chez ceux qui connaissaient bien Jack de venir profiter de ce type d'après-midi, où il faisait trop chaud pour conduire, à faire marcher le barbecue ou faire trempette dans la piscine. Tous n'étaient pas des Flamz-up, mais c'étaient des gars que Jack connaissait assez bien et appréciait. Certains plus ou moins que d'autres, c'est vrai, mais ils restaient à l'extérieur, et les bâtiments étaient bien gardés. Aussi Jack n'y voyait jamais d'inconvénient. Il s'approcha d'eux, serrant quelques mains.

- Eh, Jack, tu fais une partie avec nous ?

- C'est gentil les gars, mais j'ai autre chose à faire tout de suite. Une autre fois, si d'ici-là vous vous décidez pas à foutre autre chose de vos journées.

Jack prenait toujours un malin plaisir à critiquer toute cette fameuse troupe de bons à rien. La plupart n'iraient jamais bien loin avec une bagnole puisqu'ils préféraient se prélasser au soleil que de s'exercer sur la piste. C'est pour cela que sur la dizaine de types présents, il ne devait y en avoir que deux à peu près qui étaient des Flamz-up... Ces deux-là, Jack les voyait au moins un peu plus souvent au terrain vague.
Alors qu'il s'apprêtait à les laisser pour partir faire ce qu'il avait à faire, l'un des Flamz-up justement l'appela :

- Eh, Jack, j'ai un pépin avec ma Charger. Tu crois que tu pourrais...

- Vois ça avec Coddy, Kent. J'ai pas le temps là.

- Coddy, toujours Coddy... tu le laisses toujours s'occuper de tout à ta place.

- C'est Coddy le proprio du garage, c'est plus moi.

- Ouais, justement. Un jour il va devenir plus important que toi.

- Et alors ? Je lui fais confiance. Coddy se donne à fond pour le gang, j'ai plus confiance en lui qu'en n'importe qui d'autre. Alors, qu'il devienne important, ça j'espère bien qu'il le devient.

Kent haussa simplement les épaules, tandis que Jack leur tournait le dos pour se diriger vers l'intérieur. Dans le vestibule il croisa Edward, qui avait bien garé la GTO conformément à sa demande.

- Peux-tu m'apporter le téléphone, Edward ?

- Oui, monsieur Walston.

Jack alla s'installer dans le salon, dans un fauteuil très confortable. Posant les pieds sur une table basse, le minibar était à portée de mains. Il alluma la télévision avant de se servir un whisky. Il n'y avait rien de bien intéressant sur cette chaîne, on parlait simplement des français qui avaient perdu un de leurs avions de façon totalement inexplicable.

* Qu'est-ce que c'est con, un français... * se dit Jack avant de changer de chaîne. Il tomba sur un reportage sur la reproduction des pygmées. Il fronça les sourcils, mais il ne changea pas de chaîne puisqu'Edward revint à ce moment avec le téléphone. Et Jack avait autre chose à faire que regarder la télé. Edward lui tendit le téléphone, non sans jeter un regard surprit au programme que regardait son patron.

- Merci Edward, tu peux disposer.

Jack coupa le son de la télévision et composa le numéro qu'on lui avait laissé, sur une petite carte, le jour des funérailles de son frère... le fameux numéro d'un type qui, s'il disait vrai, pouvait lui éviter certains problèmes. Et s'il se foutait de lui, le plonger dans une merde noire.

A l'autre bout de la ville, un téléphone sonne. Durant quelques secondes, le bruit strident retentit dans une grande pièce ornée de fenêtres en acajou sur lesquelles de gros rideaux en laines sont disposés. Au bout d'un moment, un homme en costard cravate décroche :

- Allo bonjour, domicile Brings. A qui désirez vous parler ?!