Un drôle de courrier [Solo]

Jack revenait de l'hôtel McCry. Sa discussion avec Milly était partie en sucette, et il ne savait pas trop quoi penser, que faire, et à quoi s'attendre pour la suite.

Il y repensa malgré lui pendant tout le chemin qu'il fit, au volant de la Pontiac, entre l'hôtel et sa villa de Willowfield. La solution la plus sage semblait être "rien", puisqu'il n'avait rien à attendre de sa relation avec Emily.

Atteignant sa rue, il pressa le bouton de la télécommande électrique pour ouvrir le portail, et s'engagea dans la cour en direction du garage. Il avançait lentement tout en réfléchissant... les portes du garage s'ouvrirent, alors qu'il se frayait un chemin sur un vrai petit parking où étaient garées ses autres voitures.

C'est vrai qu'il n'avait plus rien à attendre d'elle. Ils avaient déjà essayé plusieures fois, et cassé plusieures fois. Jack n'avait jamais de temps à lui consacrer, et Milly finissait toujours par se casser à l'autre bout du monde. Jack en avait déjà causé avec quelques potes, l'un d'eux avait alors dit "et pourquoi tu vas pas la rejoindre ?". C'était une idée qui paraissait évidente pour quelqu'un qui n'était pas dans sa situation. Ca faisait romantique, on voyait ça dans tous les films... mais il ne pouvait pas tout plaquer pour partir outre-atlantique. Et puis, de toute façon, Milly était revenue. Jusqu'à quand, ça il n'en savait rien.

Le jeune homme arrêta le moteur, puis descendit du véhicule. Il resta debout, immobile, pendant quelques instants, semblant toujours réfléchir. Puis après quelques secondes, il fit le tour de la voiture, ouvrit la portière côté passager et s'empara des lettres que Milly avait laissées.
Les gardant fermement en main, il se dirigea d'un pas rapide vers la résidence.

Mais il ne pouvait pas nier qu'il ressentait toujours quelque chose. Il avait beau dire qu'il n'y avait plus rien à attendre, il espérait toujours qu'il se passerait quelque chose. C'était toujours comme ça... lorsqu'ils étaient ensemble, ça n'allait plus au bout de quelque temps, et lorsqu'ils n'étaient pas ensemble... ça n'allait pas non plus.

Il grimpa les marches et monta jusqu'au salon. Lançant sa veste sur le sofa, posant les lettres sur la table basse, il se dirigea vers le bar. Il attrapa d'abord la télécommande pour allumer a télévision, puis attrapa ensuite une bouteille de pastis et un verre. Il se servit tout en jetant un coup d'oeil aux dernières actualités, sans vraiment s'y intéresser. Le type en costard cravate qui faisait son reportage constituait surtout un fond sonore, Jack était toujours plongé dans ses pensées, alors qu'il levait le verre à ses lèvres pour boire une gorgée du liquide.

Et maintenant ? S'il se donnait une chance ? S'il trouvait le moyen de savoir quelque chose qu'il ne savait pas, qui l'aiderait à y voir plus clair et à ne pas refaire les mêmes erreurs ?

Reposant son verre, il se dirigea vers le sofa, où il s'assit en attrapant l'une des fameuses lettres.

Jack déplia la première lettre, mais avant de poser son regard sur ce qu'elle contenait, il but une nouvelle gorgée de son verre. Quelque chose le gênait. Etait-ce l'appréhension sur ce qu'il allait apprendre, ou bien cette façon peu correcte de se renseigner sur Emily ? Bon, ce n'était pas comme s'il lisait son courrier à son insu, après tout c'était elle qui avait les lui avait laissées volontairement. Mais si elle avait préféré faire ainsi, c'est que ça concernait des choses pas évidentes à dire.

Lorsqu'il se décida enfin, Jack se plongea dans la lecture de la première lettre. Les lignes qui défilèrent sous ses yeux avaient de quoi perturber. Le père de Milly était apparemment en mauvaise santé, mais soigné dans un hôpital spécialisé. Jusque là, pas de quoi sauter au plafond, mais Jack avait de vagues souvenirs un peu contradictoires avec le sens de cette lettre. Il lui semblait que Milly lui avait dit qu'il était mort. Un souvenir qui remontait, mais il ne croyait pas se tromper. Pourquoi lui aurait-elle fait croire cela, alors que cette lettre était relativement récente et ne faisait absolument pas état de la mort de monsieur Stevenson ?

A part cette ambiguité assez étonnante, Jack venait d'obtenir des explications un peu plus poussées au sujet des départs d'Emily. Les frais d'hôpital étaient à la charge de son père, mais ce dernier n'ayant pas la capacité d'exercice de ses obligations, elle était tenue de repasser régulièrement là-bas. Jack pouvait comprendre qu'elle ait eu du mal à lui en parler, même si ce silence lui avait fait imaginer pire. Un autre que Jack aurait demandé qu'est-ce qui peut être pire qu'avoir un père à l'hôpital, mais Jack n'avait jamais connu le sien...

Reposant la lettre, il s'empara de la seconde. La première avait concerné le père de Milly, mais il ne savait pas à quoi s'attendre lorsqu'il se lança dans la lecture de la deuxième.
Celle-ci concernait davantage Milly. Même exclusivement. Le contenu était bien sombre... un centre de désintox'... le lot de beaucoup d'artistes, mais Jack savait que c'était pas un endroit très rose. On se retrouvait enfermé au milieu d'autres accros, souvent pires que soi-même. Certains s'en sortaient, d'autres se renfermaient. Jack avait été de ceux qui s'en étaient tirés. Et Milly également, selon les apparences.
Quoiqu'il en soit, les mecs qui dirigeaient ces centres privés étaient de vrais rapaces. Ils profitaient de la détresse des gens pour les taxer, et prenaient tout ce qu'ils pouvaient. Jack ignorait si Milly avait payé à temps ce qu'elle devait au centre, mais qu'elle l'ait fait ou pas, elle devait pas avoir les poches bien remplies aujourd'hui. Pour sa part, Jack n'avait jamais vraiment su ce qui s'était passé à l'époque où lui-même s'était retrouvé dans un centre. On lui avait dit qu'il avait été retrouvé dans son appart', en train de partir à petit feu. Quelqu'un avait appelé, et payé son séjour. Son bienfaiteur ne s'était jamais montré.

Respirant profondément, Jack reposa la lettre à côté de l'autre. Il tendit ensuite la main vers son verre, qu'il porta à ses lèvres... mais il s'arrêta dans son geste. Reposant le verre, il se leva d'un bond, et se dirigea vers le téléphone.
Là encore, il se ravisa au dernier moment. C'était inutile, que pouvait-il faire à présent ? Ce qu'il savait lui permettait d'y voir clair sur pas mal de choses. Mais, comme on dit, connaître une maladie ne permet pas toujours de la guérir.

Il finit par faire les cent pas dans son salon, réfléchissant à ce qu'il convenait de faire, s'embrouillant dans le moindre petit détail.
Il finit par décider de laisser le temps faire son oeuvre. Le moment n'était pas le bon, mais il la reverrait bien assez tôt. Et alors, si le destin le voulait, les choses s'arrangeraient. Sinon, on était reparti pour de bon dans les mêmes emmerdes.

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